Intelligence artificielle et chatGPT
- Intelligence artificielle et chatGPT
Pour chercher notre vraie humanité ?
juin 77aH*/ 2023
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Par Antoine Berner,
Depuis peu, l’intelligence artificielle ne laisse plus indifférent. Longtemps cachée dans des laboratoires aux applications très hypothétiques ou très limitées, comme les championnats d’échec, (Lire ICI) ou la lecture d’écriture manuscrite, elle est devenue suffisamment concrète et surprenante (pour la majorité du public) pour commencer à provoquer les réactions irrationnelles : les uns veulent l’interdire ou l’encadrer, et les autres commencent à l’idolâtrer, attendant d’elle des solutions magiques.C’est surtout chatGPT qui a frappé les esprits ces derniers mois, en dialoguant par écrit dans plusieurs langues. Il (chatGPT) donne facilement l’illusion d’être indifférenciable d’un être humain, tant son verbe semble naturel, malgré quelques couacs amusants.
Être ou non capable de déterminer si on parle avec un être humain ou avec une machine constitue justement le célèbre « test de Turing » (du nom de Alan Turing, célèbre mathématicien à l’origine notamment de la théorie de l’informatique, et du premier ordinateur utilisé pour décrypter les messages codés des nazis).
Il avait établi un protocole pour définir ce qu’on pourrait réellement appeler « intelligence artificielle » : si un être humain ne parvenait pas à la distinguer d’un humain en dialoguant avec elle et avec un humain. On semble y être puisque chatGPT s’est notamment montré capable de réussir des examens (de droit) destinés à des étudiants humains.
Passer le test de Turing ne dit rien de l’essence de cette intelligence, ça ne nous informe que sur sa capacité à faire illusion (et les philosophes de l’IA (Lire ICI) n’ont pas manqué cette objection.
DEMYSTIFIER
Et l’illusion, frappante, c’est bien la spécialité de chatGPT. Sans entrer dans trop de détails, il s’avère important de démystifier son fonctionnement. Il ne sait que prédire le mot suivant le plus probable dans un contexte donné. Lorsque vous utilisez le correcteur orthographique de votre téléphone, il vous propose toujours le mot suivant en fonction des mots déjà saisis, et des lettres du mot courant déjà tapées. Si vous n’avez pas encore commencé le mot suivant, il vous propose quand même le mot le plus probable dans la phrase, et vous pouvez vous amuser à construire ainsi des phrases parfois un peu loufoques.
ChatGPT, quoique nettement plus sophistiqué, remplit la même fonction : calculer la suite de mots la plus probable en fonction de ce que vous avez saisi (par exemple la question posée), et la probabilité de ces mots dépend de tous les textes qui furent utilisés pour le programmer ; autrement dit, il reflète les affirmations contextuelles de tout ce qui lui a été présenté, des encyclopédies, publications scientifiques, journaux, etc. dans plusieurs langues.
Il n’offre alors qu’une restitution de suites de mots qui représentent des affirmations de l’humanité, que ce soient des savoirs, des illusions de savoir, des opinions. Il peut bien sûr fournir une phrase que personne n’avait jamais écrite avant, mais son contenu ne reflètera que l’état de la connaissance ou des idées des textes qu’on lui a fournis. Pour l’instant, il n’est pas capable de réflexion, de construction d’idées nouvelles, de déduction logique, d’induction logique, de compréhension nouvelle ou autre inventivité. Par conséquent, et malgré l’illusion qu’il peut représenter, rappelons-nous que chatGPT n’a pas d’opinion, il n’offre qu’une image des connaissances et opinions de l’humanité
Cette considération devrait nous inciter à la prudence et à ne pas prendre les productions de chatGPT comme une sorte de révélation éclairante. Toutefois, comme un moteur de recherche amélioré, il peut fournir plus de connaissances que n’importe quel individu possède (mais avec le même risque d’erreur…), et à ce titre, il peut constituer un outil très efficace, y compris de par sa capacité à mettre en texte ses réponses.
D’aucun s’inquiètent de ce que ses textes puissent supplanter les productions humaines, affranchir les écoliers et étudiants de leurs exercice de rédaction, et brouiller ainsi les cartes de ce qu’ils croient représenter l’intelligence, comme à l’époque de l’apparition des calculettes on aura pu s’inquiéter de ce que les élèves les utilisant ne comprennent plus rien aux nombres, aux calculs, et -drame fantasmé suprême-, aux mathématiques.
Or, rien de tout cela ne s’est produit. On apprend peut-être moins à calculer machinalement des séries interminables d’opérations, mais on sait (ou devrait savoir) un peu mieux quels calculs demander aux machines et pourquoi, tout en sachant interpréter les résultats (sur une calculette, 1 divisé par 3, puis multiplié par 3 donne rarement 1).
L’ESPRIT CRITIQUE
Il en va de même de chatGPT : pour en faire un usage éclairant, il faudra apprendre à lui poser les bonnes questions dans la meilleure formulation, et à assimiler de façon critique ses réponses pour aller plus loin (comme nous avons appris à utiliser les moteurs de recherche, sans s’arrêter à la première ligne de résultat, et à ajouter des mots pour affiner la recherche, ou comme nous devrions avoir appris à ne pas croire tout ce qu’on lit dans les journaux, les réseaux sociaux ou de ce que les autres nous affirment).
Il faut croire en l’intelligence humaine : si elle n’est plus dans le calcul machinal, elle peut savoir quoi calculer et pourquoi, et si elle n’est plus dans la rédaction à la pensée formattée, elle peut apprendre à questionner les résultats de chatGPT et à devenir plus philosophe, du fait même de ce recul.
Comme toujours, les outils de la technologie nous libèrent, non pas pour nous vider de notre sens ou de notre substance, mais au contraire pour nous obliger à cultiver notre spécificité humaine, qui ne se cache manifestement pas dans les tables de multiplications ni dans les restitutions textuelles.
Nous n’avons pas mentionné les intelligences artificielles génératives (IAG) comme celles capables de créer des images inédites sur la base de demandes formulées sous forme de texte. Leur fonctionnement est proprement fascinant en ce sens qu’elles essaient « d’halluciner » à partir de rien (ou de bruit) ce qu’on leur demande de dessiner, comme si en regardant des nuages nous essayions d’y voir un lapin, et ensuite modifiions les nuages pour le rendre plus ressemblant.
On pourrait là encore s’inquiéter du remplacement des graphistes qui ne peuvent plus rivaliser, mais la réponse demeure la même : le génie du graphiste est-il dans sa capacité à dessiner, ou à savoir quoi dessiner ? La beauté de votre tableau préféré vient-elle de l’artisanat du peintre, ou de sa volonté d’avoir fait ce tableau-là plutôt qu’un autre.
Les IA commencent à nous obliger à chercher notre vraie humanité, continuons ; nous ne pourrons que nous élever, portés par notre intrinsèque envie de nous dépasser, y compris de dépasser « nos » IA.
Il faut vivre ou penser comme une machine pour avoir peur de cette concurrence. Soyez humain, et vous ne craindrez plus les machines.
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