La censure bat son plein en France
- La censure bat son plein en France. Février 77aH*/ 2023
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Une tribune a récemment été signée de personnalités de la culture qui s’alarment d’ »un climat de
peur menaçant la liberté de création » : «Interroger ou contester le travail d’un auteur est légitime, le bâillonner ne l’est pas » (Lire ICI)Nous avons le plaisir de publier un texte original de Véronique qui, avec Jean Claude, aime sillonner le festival de la Bande dessinée d’Angoulême : elle raconte leur parcours , tout en s’interrogeant sur l’interdiction de l’exposition consacrée à Bastien Vives. Beaucoup plus qu’un témoignage, un appel amoureux à la liberté, à la créativité…
De la fraternité et de la couleur au coeur de l’hiver
Par Véronique D.
Comment au cœur de l’hiver mettre de la couleur et de la fraternité dans sa vie ? Comment au cœur du désert refaire frétiller ses neurones ? Comment retrouver le goût des autres, ces différents, en côtoyant 4 jours le monde entier ?Il y a une petite ville française qui a fait le pari, il y a 50 ans d’organiser un festival en plein hiver, la dernière semaine de Janvier. Il n’y a pas les pistes enneigées, ni la mer, il n’y a pas de soleil. Il fait froid, voire très froid à Angoulême, la dernière semaine de Janvier.
Il y a 50 ans, au cœur de l’hiver froid de mes 18 ans, je me faisais la promesse d’y aller et de rencontrer la bande de Fluide Glacial, Franquin et l’énigmatique Corto Maltèse.
Jean Claude et moi avons mis 20 ans pour réaliser cette promesse, ne sachant absolument pas ce que nous allions découvrir.
Au départ, il y a le froid, le spleen au cœur de l’hiver et l’envie de retrouver un univers magique, coloré et réconfortant.
Il faut un peu de courage, de bonnes chaussures, un manteau chaud et confortable et un plan d’Angoulême.
On imagine un parc d’exposition surchauffé, les longues files d’attente pour les dédicaces et des piles de BD à vendre. C’est ça aussi mais c’est tellement plus.
Être festivalier à Angoulême, c’est marcher dans la ville à la recherche d’expositions. De la ville haute à la ville basse, de la cité de la BD au bord du Nil et de la Charente au paradis des Manga derrière la gare. Le festival est partout.
Corto Maltèse nous accueille le matin. Quand je dis : nous accueille, il est planté là indifférent à la foule des collégiens et lycéens qui le croisent, le regard au loin sur l’horizon.Dans la ville, les dessinateurs ont pris possession des murs et le nom des rues égrènent les créateurs de BD de mon enfance. Il y a 30 ans, on y a rencontrés facilement les personnages de Franquin ou même quelques Tintins élégants suivis ou non de Dupont et Dupond.
Aujourd’hui c’est plutôt les personnages de manga, qui descendent la rue Hergé. Des jeunes asiatiques au cheveux colorés habillés de façon excentriques. Cela participe toujours à la magie du festival.
Dans la rue Hergé, les festivaliers bien couverts, croisent les auteurs souvent de noir vêtus grelottant dans leur uniforme (pull noir et pantalon sur une simple veste noire). Pourtant ils n’ont pas besoin d’uniforme car on les reconnaît, ils ont sur le ventre leur Pass auteur avec leur nom écrit à l’encre noire. Mais attention dans la rue, ils n’aiment pas trop que l’on cherche à déchiffrer leur nom sur le petit carton. Les rencontres auteurs public sont essentiellement les séances de dédicaces, pendant la réalisation du dessin auteur et festivalier échangent quelques confidences à voix basse.
Le reste du temps, les auteurs ont fort à faire entre les soirées, les éditeurs à voir, les galeristes, les journalistes et cours d’un rendez-vous à l’autres. Ils ressemblent, malgré tout, à d’éternels adolescents avec un petit air sérieux ; des étudiants affairés. Rien à voir avec les pionniers souvent hilares et éméchés qui assumaient leurs conneries et leur art mineur.
Tout est devenu plus sérieux, ici comme ailleurs et quand dans les expositions, on revient sur les premières planches des auteurs maintenant consacrés, on se dit que ce type de planche ne serait plus édité dans notre époque puritaine. La bande dessinée a été le dernier baston de la liberté d’expression et cela en a fait sa force. L’interdiction d’une exposition celle de Bastien Vives sous la pression médiatique et quelques menaces physiques risque de sonner le glas de cette diversité. Moi qui avais parcouru le festival quelques jours après l’attentat de Charlie Hebdo où était célébré le droit de s’exprimer par le dessin sur tous les sujets, je suis perplexe devant ce consensus.
En refusant de voir les fantasmes de Bastien Vives, on fragilise tous les dessinateurs qui ont dessiné un jour, une idée aujourd’hui incorrecte. Mais les dessinatrices échappent pour le moment à la censure et l’une des expositions phare celle de Julie Doucet montrent les planches d’une jeune femme suicidaire et droguée qui éventrent à qui mieux mieux. Mais les femmes suivront les hommes et il nous restera l’univers onirique et violent des mangas.
La BD n’est pas seulement la BD que l’on trouve sous les bulles des éditeurs où les dessinateurs dédicaces. Il y a les concours pour les jeunes talents du monde entier, les Bd des enfants des écoles, le concours de BD des prisonniers, la BD chrétienne dans la cathédrale rénovée. Dans l’immense bulle de la BD alternative qui remplace les fanzines à l’air de l’autoédition les fanzines ont presque disparues, on retrouve la BD militantes et toutes les causes sont là, la BD de tous les pays, les BD LGBT. Il y a des espaces entiers pour la BD écologique.
Pour la BD pornographique, il faudra aller au marché de l’occasion près des halles. C’est là que les Boule et bill originaux se négocient à prix d’or.En passant devant le théâtre, je me revois 30 ans plus tôt. Premier jour, je suis amoureuse de Corto Maltèse et je découvre l’exposition Hugo Prat au théâtre d’Angoulême avec un monsieur âgé. J’ai regardé toutes les planches avant de réaliser que j’avais découvert l’exposition en même temps qu’Hugo Prat lui-même. C’était quelques mois avant sa mort.
Cette année, Jean Claude a accepté le chapeau du Petit Spirou, il a toujours ce regard malicieux et le petit chapeau quand nous voyons quelques jeunes filles affolées autour d’un responsable de la sécurité. Jean Claude, il y a plus demi-heure a trouvé un portable et l’a remis à la caisse des éditions Bayard. Il s’approche des jeunes filles. L’une d’elle a bien perdu un portable. Le chef de la sécurité impose aux jeunes filles une révérence à Spirou avant de courir au stand Bayard.
Pour un festivalier muni d’un pass pour l’ensemble du festival nous arborons un joli bracelet coloré qui nous donnent accès à toutes les expositions à l’exception de l’espace manga. Nous ne pouvons pas aller partout loin de là. Il y a des espaces pros, des espaces de formation. Des entrées pour le public et des entrées pour les professionnels. Avec nos bracelets colorés, les contrôles sont simples et nous attendons peu.
Quand une file est trop importante, souvent à l’heure de l’arrivée des cars scolaires, nous prenons la navette, un bus gratuit et dessiné qui circule autour de la ville toujours dans le même sens, et nous partons voir une autre exposition.
Dans la rue, d’autres festivaliers conseillent, il faut aller à la chapelle du Guez- Balzac dans une chapelle voir une scénographie réalisée avec des planches de Druillet. Les vaisseaux spatiaux et créatures démoniaques s’animent, louvoient entre les arcs néo-classiques, enveloppent les visiteurs. Murs et plafonds vibrent au rythme de la musique dans un tourbillon de plus en plus hypnotique.
Mais une journée de festival, c’est voir et lire des centaines de planches, passer d’univers très différents à tout moment, piétinés dans des petites expositions surchargées ou être quasi seuls dans de grands espaces à savourer des planches.
S’assoir pour observer, ses amateurs de bande dessinée de tout âge dont les yeux brillent d’avoir trop lu et trop rêvé.
C’est mangé dans un fast truck, au resto U ou un restaurant qu’il faudra rechercher longtemps car les pro ont déjà tout réserver depuis longtemps.C’est attendre la navette pour redescendre vers la cité de la BD où la journée a commencé puis rejoindre la voiture dans un des grands parkings gratuits de l’autre côté de la Charente et rejoindre le gîte qui est forcément très loin car les hébergements sont réservés d’une année sur l’autre par les professionnels.
Dans cette ruche qu’est Angoulême pendant 4 jours, il n’est pas possible de tout voir de ce que l’on nous donne à voir. Mais peu importe, le festival se prolonge pour chacun dans les jours qui suivent car nos neurones sont réveillés. Il y a les livres achetés, et ceux que l’on redécouvre en rentrant (à notre grande surprise nous avons tous les albums controversés), les personnages découverts, pour moi l’exposition sur les résistantes et la découverte du personnage de Madeleine une résistante haute en couleurs, des idées qui fourmillent, l’envie de raconter des histoires, pour Jean Claude celui de dessiner avec ses crayons mais aussi sur sa tablette.
Et puis cette année, nous étions avec des amis et cela donne aux souvenirs encore plus de saveurs.
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